Mai 2017

Bishkek - Issy Kul - Song Kul - Le Kirghizistan de lac en lac

A Hanoï, j'ai rencontré Jordy (jordyadventure.com), un cycliste français que j'ai retrouvé a Bishkek, et avec qui on a décidé de faire route ensemble jusqu'à Osh. 


Avant de partir, je dépose ma demande de visa à l'Ambassade d'Ouzbekistan...2 mois en avance mais maintenant j'anticipe, pour pouvoir refaire une demande ailleurs en cas de problème, je ne veux plus me faire bloquer par un visa comme pour la Chine ! 


On se met en route direction Issy Kul, (lac chaud), un des plus grands lacs d'Asie centrale avec 182km de longueur et 60km de largeur, au nord est du Kirghizistan. La route est bonne, asphaltée et le vent est de dos... Le bonheur.


Je retrouve le plaisir des bivouacs en pleine nature. Près d'une petite rivière avec vue sur les montagnes, un homme passant avec son âne et nous proposant fièrement de monter dessus. Mais aussi bivouac express avec un vent terrible et en fond l'orage qui éclate. Mais chaque bivouac a son moment sympa , que ce soit petit feu, le bain dans la rivière ou le repas biscuits/bière/Qurut (petites boules de fromages sec et salé... Très salé ! Typique accompagnement de la bière ici) dans la tente pour se protéger du vent et de la pluie. 


Nous arrivons sur les bords du lac "Issy Kul", une étendue d'eau à perte de vue d'un bleu extraordinaire. On pique nique sur une petite plage de sable, on a l'impression d'être à la mer ! On va dormir dans un homestay, une petite famille adorable, afin de leur laisser nos vélos pour 3/4 jours, on doit retourner rapidement à Bishkek récupérer nos visas. Ces visas sont toujours un parcours du combattant (l'Amérique du Sud me manque pour sa facilité d'entrée dans les pays, pas besoin de visa pour moins de 3 mois généralement). Les Kirghiz peuvent être parfois un peu rustre mais ce couple est très doux, c'est un bonheur de rester chez eux. 


Nous voilà, visas en poche, de retour sur nos vélos direction le lac Song Kul, situé à 3000m d'altitude. On quitte la belle route asphaltée pour un chemin direction notre 1er col, à 3400m pour démarrer. Les 10 derniers kms sont plutôt raides, la piste vraiment pas terrible et mon corps n'est plus affûté pour les montagnes en altitude... Bref... Je souffre ! Après quelques heures, et quelques poussages de vélo (pour moi du moins...oui j'avoue 😊) nous voilà arrivés au sommet. Le chemin passe entre 2 murs de neige...on se croirait au ski ! La vue qui nous attend de l'autre côté, sur le lac de Song Kul à moitié gelé entouré de montagnes enneigées est à couper le souffle ! Le grand ciel bleu rend ce paysage d'autant plus magnifique. 

Ce soir on campera sur les bords du lac, la vue est magnifique mais avec le froid on fait pas long feu dehors. A 3000m, la température descend vite dès que le soleil décline. Heureusement, à cette période les journées durent 15h, il fait jour de 6h30 à 21h30 (un bonheur après l'Asie où le soleil se couchait à 18h). Cette nuit, la température dans la tente tombera quand même jusqu'à 0°...c'est le retour du froid ! 


Fini l'Asie avec les bonnes routes, les pentes et les températures douces, la nourriture et l'eau à chaque kms...Bien que les côtes du nord du Laos et du Vietnam aient été parfois plutôt raides et les températures de la Thaïlande et du Cambodge soient montées parfois très haut, pédaler en Asie était plutôt simple. 

L'Asie centrale c'est retrouver la vie de nomade dépendant des rivières, de la nourriture qu'on trouve dans les villages, de ce que la nature nous offre comme abris pour échapper au vent furieux. C'est le froid, parfois la pluie et même la neige. Mais ces paysages, ces montagnes, ces difficultés, c'est ce qui me procure le plus de plaisir à vélo. L'Amérique du Sud me manquait... Me voilà de nouveau dans un environnement similaire... Pour mon plus grand plaisir !


De Song Kul à Sary Mogol - Le retour dans les sommets et les sensations qui vont avec

Après la fraîche nuit à 0°, le matin est tout aussi frais. C'est dans ces moments qu'une  soupe de nouilles en sachet chaude devient la meilleure chose au monde. Ce matin fini le beau ciel bleu, c'est sous la neige que l'on démarre ! Mon voyage étant censé s'arrêter en Asie du Sud Est, j'avais renvoyé toutes mes affaires d'hiver en France. Mon père revient avec mi juin, pour le moment c'est donc en petit gants d'été et chaussettes+sacs plastiques dans mes sandales que j'affronte la neige (non, je n'ai vraiment plus aucune honte question style vestimentaire 🤣). 

Un petit col à 3200m à passer (mais dans la boue...) et on redescend autour de 1800m...retour de la chaleur. Dans la descente alors qu'on se gelait un homme devant une yourte nous fait signe de venir. Les femmes nous invitent à nous mettre au chaud et nous servent du thé avec pain maison, crème (qu'elle vient tout juste d'extraire) et confiture. Ça fait du bien d'être au chaud et au sec. C'est pour nous également le moment de goûter le fameux Humis, lait de jument fermenté, une spécialité d'Asie centrale apparemment crainte par les voyageurs du fait de son goût très fort. Nous on a plutôt aimé !


On continue sur notre petit chemin de pierre jusqu'à un bivouac de rêve. Peu de vent, une belle vue, au dessus de nous un ruisseau caché pour se laver en toute intimité et une douce température nous permettant de profiter de notre soirée en extérieur (et faire un feu, notre plus grand plaisir 😍). Ce que j'aime cette vie en itinérance. Le lendemain matin la route en lacets nous emmène à travers les montagnes verdoyantes avec en fond une vue d'une profondeur folle sur des montagnes marrons, rougeâtres, noires et des pics enneigés, le tout sous un grand ciel bleu. Après le dej, la journée va prendre une autre tournure, lors d'une descente dans un chemin de pierres une de mes sacoches avant se détache après avoir perdu 2 vis. Je perds le contrôle du vélo, fait un beau soleil et m'éclate au sol, ma tête tape (moi qui mets toujours mon casque, je ne l'avais pas remis après la pause). Résultat avant bras bien éraflé et crâne qui saigne, un camion passe 10mn après, on est au milieu de nulle part, par sécurité on lui demande de m'emmener à l'hôpital de la prochaine ville a 50km. Jordy m'y rejoindra en vélo. Gros moment de solitude lorsque je me retrouve seule dans une pièce glauque avec 3 femmes ne faisant aucun effort pour essayer de communiquer avec moi, rigolant en me coupant les cheveux pour désinfecter la plaie du crâne. Mais plus de peur que de mal, ça ne sera que des petites cicatrices, rien de plus. 


Un dernier col à 3000m nous attend. On nous avait annoncé des murs de neige et une piste boueuse sur les derniers kms qui mènent au sommet. On ne nous a pas menti ! Mais les paysages font oublier tout ça, et mon corps semble s'être remis en mode montagne, cette montée est un quasi pur plaisir, je ne souffre plus du tout comme dans le1er col ! On redescend un peu pour bivouaquer dans des températures plus douces.

Pris d'une motivation venue de nulle part, le dernier jour on avale d'une traite les 170km qui nous séparent de Osh (histoire d'user nos corps jusqu'à la dernière goutte après ces 8 jours de grosse montagne 🤣).


Les paysages que l'on a traversés m'ont laissée sans voix, passant des vallées luxuriantes aux montagnes enneigées offrant un florilège de couleurs : bleu, violet, noir, vert, blanc. Et ces hordes de chevaux galopantes à l'horizon, les troupeaux de moutons/chèvres/vaches/yaks investissant les routes, les hommes très classe qui nous dépassent secoués dans tous les sens sur leur petit âne pas plus grand qu'un poney. Le Kirghizistan est en train de prendre la 1ère place dans mes pays préférés en terme de paysages.


A Osh, c'est le moment où nos routes se séparent avec Jordy. Après un petit peu de repos dans cette ville je prends la direction Sary Mogol un petit village pas loin de la frontière Tadjik. J'avais repris l'habitude d'être à 2, ça fait un peu bizarre de re pédaler seule. Mais je m'y habitue vite. Mes 2 nuits de bivouac je m'installe à côté d'une maison puis d'une roulotte de nomades. Chaque soir et matin les femmes m'apportent à manger (pain, fromage, crème, Oromo, plat Kirghiz, une pâte très fine fourrée de pommes de terres et d'oignons, roulée et cuite à la vapeur) et à boire (thé ou lait fraîchement sorti du pis). Les Kirghizes peuvent être des gens assez froids mais ils sont majoritairement accueillants derrière leur visage dur. Le 1er soir elle passera même la soirée avec moi, à communiquer comme l'on peut entre ses quelques connaissances de l'anglais et mes connaissances du russe (que j'apprends ici). 


Le dernier jour, un homme que j'avais croisé dans un village 2 jours plus tôt me recroise sur la route avec un collègue et m'invite à déjeuner. Puis ils me proposent de m'emmener à Sary Mogol en voiture. Bon, j'ai le choix entre 40km de ligne droite plate avec gros vent de face et 30mn en voiture avec 2 personnes super cool...je n'hésite pas longtemps, des fois il faut saisir les opportunités qui se présentent. Ils me déposent dans ce petit village situé à 3000m d'altitude au pied d'une chaîne de montagnes enneigées. La vue est absolument somptueuse, d'autant plus en fin de journée lorsque la lumière rosée arrose ces montagnes d'un blanc pur. Je vais laisser mon vélo ici pour un mois. Une nouvelle expérience m'attends. Je vais partir vivre et travailler pendant une petite semaine dans une famille de nomades qui vivent dans la montagne à 3h de marche du 1er village. Puis mon père me rejoint pour voyager 2 semaines ensemble. 


Je dis au revoir à ma petite Trotta, on se retrouvera début juillet.